Dans les deux dernières années, un phénomène a bouleversé le monde du travail aux États-Unis : la Grande Démission (The Big Quit). Cette tendance, qui est de bien moindre ampleur au Québec, se traduit par des vagues de départs et des reconversions professionnelles.
Inventée par Anthony Klotz, professeur à l’école de commerce de l’University College de Londres, l’expression « Grande Démission » est employée pour décrire le phénomène de la démission massive de personnes salariées. Selon les données du Bureau of Labor Statistics des États-Unis, plus de 47 millions d’Américains et d’Américaines ont volontairement quitté leur emploi en 2021, un phénomène sans précédent.
Au Canada, une étude réalisée par le cabinet d’audit KPMG révèle que le taux de roulement volontaire du personnel dans le secteur canadien des services financiers est de 9 %, de 9,9 % dans le domaine des services professionnels, de 10,5 % dans les services publics et de 10,7 % dans le secteur des soins et des services de santé.
De son côté, la firme Léger a consacré un rapport entier à la question. Sa récente étude La Réalité Humaine : repenser les RH pendant la Grande Démission, menée auprès de 3008 personnes qui sont sur le marché du travail, ou qui vont bientôt y entrer ou le réintégrer, conclut que 43 % des travailleurs et travailleuses cherchent actuellement un autre emploi, et 28 % ont déjà changé de poste au cours des 24 derniers mois.
Selon ce rapport, les événements négatifs liés à la santé au travail – notamment en ce qui concerne l’épuisement professionnel et la conciliation entre le travail et la vie personnelle – « ont des répercussions sur [la] qualité de vie générale, qui est étroitement liée à la probabilité de se tourner vers de nouvelles possibilités ».
Un phénomène plus marqué chez les jeunes
Le sondage révèle que les jeunes sont beaucoup plus susceptibles de quitter leur emploi que les générations qui les précèdent : 57 % de la population active âgée de 18 à 34 ans se dit insatisfaite, quelle que soit la qualité de vie. Ces jeunes vivent, bien souvent, de la déception en raison du manque de possibilités d’avancement professionnel et de pertinence de leur emploi par rapport à leur formation.
« Même si les jeunes travailleurs gagnent moins, un meilleur salaire ne représente pas la principale raison pour laquelle ils souhaitent changer d’emploi dans les deux prochaines années (comme c’était le cas pour les 35 ans et plus), peut-on lire dans le rapport. Les répondants âgés de 18 à 34 ans souhaitent plutôt travailler dans le domaine où ils ont étudié et se voir offrir des occasions de croissance et d’avancement […] »
Pour plusieurs économistes, cette vague de démissions et de reconversions n’est cependant pas responsable de la pénurie de main-d’œuvre qui frappe le Canada en ce moment. L’hypothèse la plus vraisemblable serait plutôt le manque de personnes pour remplacer celles qui sont âgées de 55 ans et plus partant massivement à la retraite. Ayant davantage de choix, les personnes restant sur le marché de l’emploi seraient alors moins prêtes à accepter des tâches mal rémunérées ou des emplois peu flexibles.